Les aidants familiaux de personnes atteintes de schizophrénie : des travailleurs de l'ombre au bord de la rupture
LOUVAIN, Belgique, October 10, 2014 /PRNewswire/ --
À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale 2014, une enquête internationale unique en son genre souligne l'impact de la maladie sur celles et ceux qui s'occupent de personnes atteintes de schizophrénie
Selon les résultats préliminaires d'une enquête internationale révélés aujourd'hui à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale (#WMHD14), près de trois soignants sur quatre (72 %) s'occupant de personnes atteintes de schizophrénie sont les principaux (34 %) ou les uniques (38 %) responsables de ces dernières, s'imposant une charge émotionnelle et physique considérable. Menée dans 25 pays, l'enquête C4C (Caring for Carers ou S'occuper de l'entourage soignant) a été entreprise par la Fédération européenne des associations de familles de personnes atteintes de troubles psychiques (European Federation of Associations of Families of People with Mental Illness, EUFAMI), en collaboration avec le centre LUCAS de recherche et de conseil en soins de l'Université de Louvain, en Belgique.
Les premiers résultats révélés aujourd'hui sont basés sur les réponses de plus de 400 soignants d'Australie, du Canada, de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et du Royaume-Uni. Ils traduisent la charge considérable et tacite reposant sur les épaules des accompagnateurs de personnes atteintes de schizophrénie et mettent en évidence leur contribution, ainsi que les effets accablants de cette charge sur leur propre vie.
Les aidants familiaux prennent en charge le malade en moyenne 16 années, si ce n'est jusqu'à la fin de leur vie, et déclarent s'occuper de ce proche en moyenne 23 heures par semaine, en raison de la nature indéterminée (long terme) de la schizophrénie. Cette charge correspond à un emploi à temps partiel.
En Europe, près de 10 millions d'aidants familiaux s'occupent chaque jour de leur enfant, frère ou sœur souffrant d'une affection mentale grave et les soutiennent. Il s'agit d'une contribution massive et précieuse, non seulement aux malades, mais à la société dans son ensemble et aux systèmes de santé financièrement éprouvés à travers l'Europe. « Ces aidants familiaux qui travaillent dans l'ombre sont vitaux pour la société et nous devons prendre des mesures afin qu'ils soient pleinement reconnus pour leurs contributions, que leurs voix soient entendues et qu'ils soient soutenus pour continuer à prendre soin efficacement et en toute sécurité de leurs proches, sans mettre leur propre bien-être émotionnel et physique en danger », a déclaré aujourd'hui Kevin Jones, secrétaire général de l'EUFAMI.
Bien qu'un tiers des soignants relatent une expérience positive, l'étude indique également que près de 4 personnes sur 10 témoignent un sentiment d'incapacité à faire face à l'« angoisse permanente » de cette charge, tandis qu'un tiers des soignants se sent déprimé. Plus d'un soignant sur 10 se sent isolé et ressent des tensions dans son réseau social en raison des soins qu'ils prodiguent.
Les soignants interrogés ont en moyenne 61 ans ; la majorité d'entre eux (84 %) s'occupe de leur enfant. Beaucoup expriment de profondes inquiétudes quant au devenir de leur enfant lorsqu'ils ne pourront plus s'occuper d'eux.
Étant donné le niveau constant de pression, un tiers des soignants déclare avoir atteint le point de rupture et a le sentiment qu'il ne pourra pas continuer ainsi.
Les résultats soulignent le besoin urgent pour les gouvernements de prendre des mesures afin que la société reconnaisse le rôle des soignants, leur contribution et la nécessité de fournir un soutien et un espoir pour leur avenir.
Les expériences positives exprimées par certains soignants sont éclipsées par un degré d'insatisfaction face au niveau ou à l'absence de soutien des professionnels de santé. Quatre-vingt-douze pour cent (92 %) des soignants interrogés exigent plus de soutien dans plusieurs domaines.
L'enquête souligne la volonté des soignants d'être plus impliqués dans les décisions en matière de traitement et d'être mieux équipés pour influencer les décisions en termes de soins.
« Un manque de soutien et une insatisfaction sont exprimés par les aidants familiaux. Trente-huit pour cent (38 %) d'entre eux estiment ne pas être pris au sérieux par le personnel médical et 44 % d'entre eux ne sont pas satisfaits de leur capacité à influencer les décisions importantes en termes de traitement et de planification des soins », a déclaré Kevin Jones, secrétaire général de l'EUFAMI. « Les professionnels de la santé doivent : reconnaître que les aidants familiaux peuvent jouer un rôle bien plus important, intégrer ces derniers dans les décisions liées au traitement et collaborer avec eux pour obtenir de meilleurs résultats pour le patient. L'EUFAMI réclame cette approche depuis des années. »
« En outre, s'occuper de telles personnes représente une lourde charge financière », a déclaré le professeur Chantal Van Audenhove, directrice du centre LUCAS. « Les soignants se retrouvent coincés entre : leurs obligations envers le membre de leur famille et celles envers leur propre emploi. Leurs employeurs n'étant pas toujours compréhensifs, certains ont même perdu leur emploi, ce qui se traduit également par une perte de talents pour la société. Le programme politique doit statuer sur une plus grande flexibilité professionnelle. »
La schizophrénie est une maladie mentale invalidante ayant des répercussions sur la vie : celle des malades, comme celle des personnes prenant soin d'eux, soit près de 24 millions de personnes dans le monde. Elle touche principalement les personnes âgées de 15 à 35 ans[1] et se classe parmi les 10 principales causes d'années perdues pour incapacité[2]. Les membres de la famille sont les principaux accompagnateurs des personnes atteintes de schizophrénie et consacrent en moyenne six à neuf heures de leur temps par jour à s'occuper de leur proche, subissant ainsi un lourd impact personnel, susceptible de menacer leur propre bien-être à long terme. En Europe, les troubles mentaux graves comme la schizophrénie coûtent 93,9 milliards d'euros par an, ce qui en fait l'une des maladies les plus coûteuses à gérer[3].
Soutenue par une subvention éducative émanant de l'alliance CNS (Lundbeck et Otsuka), l'enquête a été élaborée par l'EUFAMI, en collaboration avec l'Université de Louvain et son centre de recherche interdisciplinaire LUCAS, dirigé par le professeur Chantal Van Audenhove, directrice du centre LUCAS. L'enquête vise à recueillir des informations à travers 25 pays (la plupart européens) ; ses résultats seront publiés en 2015.
Pour suivre les discussions sur l'enquête C4C et la Journée mondiale de la santé mentale, rendez-vous sur la page Facebook de l'EUFAMI (https://www.facebook.com/EUFAMI1) et sur Twitter, via les hashtags #C4C, #WMHD14 et #livingWithSchizophrenia.
Notes aux responsables de la publication :
- L'enquête a été élaborée et analysée par l'EUFAMI ainsi qu'une équipe du centre LUCAS de recherche interdisciplinaire, dépendant de l'Université de Louvain, en Belgique.
- L'enquête porte sur les membres de familles de personnes souffrant de maladie mentale grave (y compris les accompagnateurs à court et long terme), dont près de 90 % s'occupent d'un proche atteint de schizophrénie.
- Pour plus de détails sur l'enquête, l'EUFAMI et l'Université de Louvain, consultez les fiches d'information et infographies.
À propos de la Fédération européenne des associations de familles de personnes atteintes de troubles psychiques (EUFAMI)
L'EUFAMI est une organisation européenne à but non lucratif enregistrée en Belgique qui représente les familles et les aidants familiaux. L'EUFAMI est reconnue comme le « porte-parole » des familles et des soignants en Europe. Fondée en 1992, l'organisation regroupe 41 associations familiales réparties à travers 22 pays européens et un pays non européen. Pour plus d'informations, rendez-vous à l'adresse suivante : http://www.eufami.org.
À propos de l'Université catholique de Louvain et de LUCAS
LUCAS est un centre interdisciplinaire de recherche dépendant de l'Université catholique de Louvain, actif dans le domaine des soins et du bien-être. Sa mission est triple : recherche, formation et conseils. L'objectif dans ces trois domaines est de recueillir les idées émanant des politiques, pratiques et recherches, en échangeant constamment avec toutes les parties prenantes. http://www.kuleuven.be/lucas.
À propos de la Journée mondiale de la santé mentale
La Journée mondiale de la santé mentale (JMSM) est une campagne annuelle à l'initiative de la Fédération mondiale pour la santé mentale (FMSM). Cette année, la journée aura pour thème : « Vivre avec la schizophrénie ».
RÉFÉRENCES :
[1] WHO, 2011
[2] WHO, 2004
[3] Cost of disorders of the brain in Europe 2010, Jes Olesen et al. (2011)
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